Semaines du 2 au 15 mai 2022

Semaine du 2 au 15 mai 2022

Semaines du 2 au 15 mai 2022

Au cours de ces deux semaines, on découvre que beaucoup plus de personnes sont mortes du Covid que ce que les premiers décomptes laissaient voir. On apprend également qu'Omicron est possiblement aussi grave que les précédents variants. Enfin, les effets secondaires des infections pourraient s'avérer plus graves que prévu, notamment chez les enfants. Cela dessine une autre version de la pandémie que celle que les gouvernements pro-laisser circuler le virus véhiculent depuis des mois pour justifier leur politique de non protection de leur population.

15'000'000 de personnes mortes

Le nombre de mortexs du Covid a été réévalué par l'OMS à environ 15 millions (entre 13 et 17 millions) à la fin de l'année 2021. Le rapport de l'OMS sur la surmortalité mondiale associée au Covid est publié.

L'excès de mortalité de janvier 2020 à décembre 2021 est environ 3x plus élevé que les décès liés au Covid signalés dans le monde.

Selon l'ATS reprise dans Le Courrier, ces chiffres sont beaucoup plus élevés que ceux officiellement recensés. Ils prennent en compte les effets directs et indirects du Covid, .c.a.d les décès directement provoqués par la maladie et ceux qui l’ont été indirectement en raison de l’impact de la pandémie sur les systèmes de santé et la société. Par exemple lorsque les hôpitaux ont été surchargés à cause du Covid et que des interventions chirurgicales ou des séances de chimiothérapie ont dû être retardées.

Que tirer de cette surmortalité ? Pour le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus : «Ces données, qui donnent à réfléchir, soulignent non seulement l’impact de la pandémie, mais aussi la nécessité pour tous les pays d’investir dans des systèmes de santé plus résilients qui peuvent soutenir les services de santé, essentiels pendant les crises, y compris des systèmes d’information sanitaire plus solides». L'ATS souligne que le «sujet est extrêmement sensible en raison des répercussions politiques de ces chiffres, liées à la qualité de la gestion de la crise par les autorités.»

Autre problème soulevé par ce rapport et relayé par l'ATS: de nombreux pays n’ont pas les moyens de collecter des données fiables sur la mortalité et par conséquent ne peuvent pas s’appuyer sur les enseignements que l’on peut tirer de l’étude des données de surmortalité. Pour Mahan Ghafari, chercheur à l'Université de Oxford travaillant sur l'évolution des virus, les deux graphiques ci-dessous montrent très clairement qu'il y a une sous-déclaration substantielle des décès dus au COVID-19 dans les pays à revenus bas et moyens:

Par ailleurs, le directeur général de l'OMS affirme que les «sous-variantes BA.4 et BA.5 ont été identifiées parce que l'Afrique du Sud continue à effectuer le séquençage génétique vital que de nombreux autres pays ont cessé de faire. Dans de nombreux pays, nous sommes essentiellement aveugles à la façon dont le virus mute. Nous ne savons pas ce qui nous attend.» Lire ici

Pas si "mild" : Omicron probablement aussi grave que les précédents variants

Une étude réalisée par des chercheurexs du Massachusetts General Hospital, de l'université Minerva et de la Harvard Medical School et qui n'a pas encore passé le processus d'évaluation par ses pairs (peer review), fait la démonstration que «la sévérité intrinsèque du variant Omicron pourrait être aussi grave que celle des variants précédents». Cela contredit ce qui était dit à propos du variant Omicron à savoir qu'il était plus transmissible mais qu'il était moins grave que les précédents variants du Covid. On se rappelle que cet argument a été abondamment utilisé par les gouvernements néolibéraux pour justifier leur relâchement des mesures de protection. Dire que le nouveau variant étaient moins sévère participait de leur narration pro-levée des mesures de protection, car pourquoi s'ennuyer à se protéger si in fine ce dont on se protégerait serait une simple grippe. On note que ce fait ne défraye pas la chronique ou du moins que les conséquences de celui-ci ne se font pas beaucoup entendre dans les médias.

Reuters qui relaye l'article, souligne «Ces résultats, qui estiment la gravité d'Omicron après prise en compte de l'impact des vaccins, devraient renforcer l'importance des inoculations et des rappels, selon les expertexs. Les vaccins ont contribué à maintenir le nombre d'hospitalisations et de décès à un niveau relativement faible pendant la vague d'Omicron par rapport aux variantes précédentes.»

On apprend aussi que comme l'étude n'a pas tenu compte des traitements que les patientexs auraient pu recevoir (comme des anticorps monoclonaux ou des médicaments antiviraux) qui peuvent réduire le nombre d’hospitalisation, sans ces traitements Omicron pourrait être pire que les autres variants.

Reuters affirme encore que «lorsque le variant Omicron a été identifié pour la première fois à la fin de 2021, les responsables de la santé publique ont déclaré qu'il provoquait des symptômes beaucoup plus légers chez la grande majorité des personnes infectées. Cela a pu inciter les personnes hésitantes à se faire vacciner à penser qu'elles avaient moins besoin de l'être.» Selon Dr. Arjun Venkatesh, professeur à l'Université de Yale School of Medicine cette étude vient s'ajouter aux preuves que les vaccins ont aidé à épargner les gens des pires impacts d'Omicron et de conclure : «Ne commettez pas l'erreur de penser que les vaccins et les rappels ne sont pas importants.» (notre traudction)

On note qu'Antoine Flahault précise sur Twitter : «La performance sanitaire de Taïwan, [la Nouvelle Zélande] et l’Australie montre que c’est bien la couverture vaccinale élevée des personnes à risque qui protège et que la faible immunité naturelle liée à leur stratégie zéro Covid initiale ne les a nullement pénalisés»

Parlez-en

Ebony Jade Hilton, médecin anesthésiologiste à l'Université de Viriginie Charlottesville et militante, réagit sur Twitter à un article de journal qui thématise l'impact qu'aurait eu la fermeture des écoles sur les enfants de certaines communauté. Ce faisant, elle souligne plusieurs hors-champs de ce type d'article et clarifie dans le cadre de cette pandémie comment les personnes racisées sont discriminées aux États-Unis:

«Vous avez le culot de publier des choses comme ça alors que les enfants noirs et bruns ont toujours deux fois plus de risques d'être hospitalisés, cinq fois plus de risques de mourir et représentent 65 % des enfants devenus orphelins à cause du Covid (voir l'article Black, Latino And Indigenous Children Are 4.5 Times More Likely To Be Orphaned By A Caregiver Dying Of COVID-19, New Study Finds). Arrêtez de blâmer le manque d'apprentissage des personnes. Ces enfants se sont battus pour vivre !

Pourquoi ne pas plutôt écrire sur le fait que nous n'avons toujours pas réparé les systèmes de ventilation dans les écoles, ce qui fait que davantage d'enfants noirs et bruns sont infectés. Nous n'avons PAS fourni de services d'aide sociale pour remédier au fait que leurs parents sont morts en plus grand nombre.

Parlez de la façon dont nous n'avons PAS abordé le fait que ces communautés n'ont toujours pas d'accès [Wi-Fi] (https://longreads.trust.org/item/coronavirus-black-students-suffer-poor-internet-schools-online-teaching [ou] (https://eu.usatoday.com/story/news/education/2021/02/04/covid-online-school-broadband-internet-laptops/3930744001/) pour permettre un apprentissage virtuel en cas d'épidémie dans l'école. Ou que MAINTENANT le test/vaccination entraîne des frais que les plus vulnérables ne peuvent pas se permettre. Parlez-en.» (notre traduction)

Autre source citée par Ebony Jade Hilton.

Deux journalistes rapportent (https://www.pbs.org/newshour/health/racial-split-on-covid-19-endures-as-restrictions-ease-in-us) qu'aux Etats-Unis «les personnes Noirs et Hispano-Américaines restent beaucoup plus prudents dans leur approche du Covid que les personnes blanches, selon de récents sondages, reflétant des préférences divergentes sur la façon de faire face à la pandémie alors que les restrictions fédérales, étatiques et locales tombent à l'eau. […] Le mois dernier, un sondage AP-NORC a montré que les Américainexs noirexs et hispaniques, 69% et 49%, étaient plus susceptibles que les Américainexs blanchexs, 35%, de dire qu'iels portent toujours ou souvent un masque en présence d'autres personnes.

Le fait que les Américains blancs soient moins favorables au port obligatoire du masque et à d'autres précautions peut également refléter une moindre sensibilité à ce qui se passe dans les communautés de couleur. Dans une étude de 2021 sur le port du masque au début de la pandémie, les chercheurexs ont constaté que le port du masque chez les Blanchexs augmentait lorsque les Blanchexs mouraient en plus grand nombre dans la communauté environnante. Lorsque des Noirexs et des Hispaniques mouraient, le port du masque était plus faible.

Berkeley Franz, co-auteur de l'article, a déclaré qu'en plus de la ségrégation résidentielle qui sépare les Blancs des communautés de couleur, des recherches antérieures ont montré que les Blancs peuvent faire preuve d'ambivalence à l'égard de politiques qui, selon eux, aident surtout les personnes de couleur.» (notre traduction)

1000x plus de risque d'attraper le Covid par l'air que par le contact d'une surface contaminée

Didier Pittet interrogé dans le quotidien Tribune de Genève maintient sa position sur l'usage des masques comme mesure de protection et sur la transmission du Covid par aérosol. La journaliste le questionne «Des experts que vous avez d’ailleurs contredits: en été 2020, vous avez déclaré que «le masque est un emplâtre sur une jambe de bois si l’hygiène des mains et la distance sociale ne sont pas appliquées. […] C’est une mesure spectaculaire qui rassure.» Alors que la contamination par aérosols – particules qui restent en suspension - est considérée comme prédominante par la communauté scientifique, regrettez-vous d’avoir minimisé l’importance du masque?» Pittet répond :

«Je ne regrette pas mes propos, je n’ai jamais dit que le masque était inutile. Mais il a été complètement politisé. C’est un adjuvant – hors situations de soins – la distance sociale est beaucoup plus importante. Lorsqu’on ne peut pas la respecter, là le port du masque fait sens. Mais dans les autres situations, on a imposé de le porter par principe de précaution et non sur des évidences de transmission aérienne basées sur des preuves.»

Interrogé sur l'utilité du désinfectant ou gel hydro-alcoolique, il répond qu'«il est utile en tout temps, c’est un outil de prévention du risque, qui reste d’autant plus important à l’heure de la résistance aux antibiotiques et alors que le Covid-19 n’a pas disparu.»

D'autres experts partagent heureusement leurs connaissance, comme Don Vinh médecin infectiologue au Centre universitaire de santé de l'Université de McGill qui relaye un article de Nature (Surveillance du SRAS-CoV-2 dans l'air et sur les surfaces et estimation du risque d'infection dans les bâtiments et les bus d'un campus universitaire et commente : «Le risque d'infection par le CoV-2 est 1000 fois plus élevé après une exposition à des particules virales en suspension dans l'air qu'après un contact avec une surface contaminée.» (notre traduction)

L'obstacle du «on ne peut rien faire»

Prof. Christina Pagel. mathématicienne germano-britannique et professeure de recherche opérationnelle à l'University College London, écrit sur Twitter : «Ce qui est le plus irritant dans la façon dont le Royaume-Uni «vit avec la Covid», c'est son manque d'ambition et l'hypothèse que nous allons tous attraper le Covid encore et encore, avec toutes les conséquences négatives que cela entraîne. Nous pouvons faire beaucoup mieux mais le plus grand obstacle est de supposer que nous ne pouvons pas le faire.» (notre traduction) Isabella Eckerle, virologue allemande, co-responsable du Centre des maladies virales émergentes des Hôpitaux universitaires de Genève et de l'Université de Genève ajoute : «Même chose en Suisse. On peut accepter que nous soyons tous exposés à un moment ou à un autre, tout en appliquant des mesures de santé publique. De plus, il y a ce groupe de personnes appelées #enfants de moins de 5 ans qui ne peuvent pas encore être vaccinés. Je reste convaincu qu'ils méritent d'être protégés d'un nouveau virus.»

Réinfections

Sous le titre «Si vous avez eu le covid à Noël, vous pouvez l’attraper à nouveau maintenant», un article de Bloomberg Europe fait le point sur les réinfections qui sont nombreuses. Selon les auteurexs : « Les premières données suggèrent qu’Omicron a non seulement rendu la réinfection par le Covid plus probable, mais a également raccourci la période pendant laquelle une infection antérieure offre une protection contre le virus. On espérait que les centaines de milliers d’infections par Omicron au cours de l’hiver dernier contribueraient à renforcer l'immunité de la population et à la protéger contre de nouvelles poussées dans les mois à venir. […] Mais l'efficacité des anticorps dépend du variant qui infecte une personne.

Toute la politique sanitaire est fondée, depuis octobre 2021, sur l’idée de l’acquisition d’une immunité de troupeau. Or, comme on pouvait s’y attendre, cette immunité ne vient pas. Pour autant, il ne semble pas que les autorités sanitaires et politiques entendent changer de voie.

Hépatites

On mesure un nombre anormal d’hépatites fulgurantes chez de jeunes enfants, nécessitant hospitalisations et parfois greffe de foie (voir ici ou ). Le nombre de ces événements est suffisamment important pour donner lieu à des investigations.

L’origine de ces hépatites est encore inconnue, mais elle donne lieu à des passes d’armes dans le milieu scientifique. Un lien de corrélation a pu être établi entre le nombre de ces hépatites déclarées dans un pays et les infections au Covid-19 mesurées dans ce même pays. Mais la corrélation est un lien faible et qui n’explique rien. En outre, les mesures du nombre d’hépatites et d’infections au Covid sont largement sujettes à discussion. Selon l’épidémiologiste Eric Topol, une explication causale robuste aurait été mise en évidence dans une publication sortie cette semaine.

Si la question déchaîne les passions des médecins et des biologistes, c’est qu’un certain nombre d’entre elleux ont longuement soutenu que les enfants n’attrapaient pas, ne transmettaient pas et/ou ne souffraient pas du Covid. Cette position était à l’appui de la politique de circulation incontrôlée dans les écoles qui continue à prévaloir dans le monde entier. Si elle s’avère fausse et s’il s’avère que les enfants infectés sont susceptibles de développer des symptômes sévères, un grand nombre de choix politiques risquent d’apparaître comme une prise de risque exagérée.

Comme on pouvait s'y attendre, les marchands de doute ont très rapidement proposé que ces hépatites soient des effets secondaires de la vaccination, mais dans ce cas, même une corrélation n'a pas pu être établie. Le faible taux de vaccination des enfants a permis ici d'exclure l'hypothèse rapidement.

Une hypothèse dite hygéniste a également été développée selon laquelle le port du masque aurait ralenti la circulation d'un adénovirus habituellement bénin. Cette circulation ralentie aurait diminué l'immunité des enfants contre cet adénovirus lequel causerait désormais des cas graves d'hépatites. Cette hypothèse est critiquée par exemple par Isabella Eckerle, virologiste à Genève.

En France et au Royaume-Uni, il semble que les protocoles de recherche de données sur ces cas d’hépatites omettent une exploration sérieuse de l’antécédent Covid-19. Ce serait une manière de casser le thermomètre et ce ne serait pas la première fois qu’on observerait ce genre de comportement depuis le début de cette épidémie. En Suisse, il n’est même pas certain que la déclaration de ces hépatites soit obligatoire.