Semaine du 21 au 27 mars 2022

Semaine du 21 au 27 mars

Alors que les responsables sanitaires se résignent à cesser d'enregistrer sérieusement le nombre astronomique de contaminations quotidiennes et que les autorités politiques ont totalement abandonné l'idée d'une protection collective, le canton de Genève publie les chiffres de l'espérance de vie pour 2020 (-1,9 an en moyenne) et l'Assurance invalidité lâche quelques éléments sur les dossiers liés au Covid long.

La crise alimentaire qui menace l'Egypte et plusieurs pays du Maghreb en raison de l'invasion de l'Ukraine ressemble par plusieurs aspects à la crise du Covid: les décisions politiques sont totalement orientées en fonction des besoins du marché libre mondialisé et s'éloignent de toute forme de rationalité scientifique et de tout espoir d'une amélioration générale des conditions de vie de la majorité des populations. C'est aussi en cela que la pandémie que nous traversons est une question politique majeure: sa gestion préfigure celle des urgences liées au changement climatique global. Au nom de l'urgence, toute perspective de pouvoir s'émanciper du productivisme à outrance est abandonnée au profit de décisions à court terme qui favorisent les gains économiques de quelques-uns en laissant de côté les connaissances scientifiques, les solidarités sociales et la répartition des richesses.

Si vous avez pris le bus...

Dans un article de la Tribune de Genève de cette semaine, on découvre les propos du chef de la section Gestion de crise et collaboration internationale de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Patrick Mathys:

«Si vous avez pris le bus ou le tram ou si vous avez assisté à une réunion aujourd’hui, vous avez certainement été en contact avec le virus.»

Bien qu'il affirme estimer que trois quarts de la population devrait entrer en contact avec le virus bientôt et que les décès ont augmenté, selon ce fonctionnaire la situation sanitaire actuelle en Suisse n'a rien d’inquiétant. Le taux d’occupation de certains services à l’hôpital est devenu le seul critère explicite pour jugé de la gravité ou non de la pandémie. Toujours rien sur le Covid long. On apprend qu'à partir d’avril si les dernières mesures de protection sont levées, l'OFSP a l'intention de cesser de publier ses chiffres tous les jours pour ne les partager que toutes les semaines. Le journal nous livre ensuite la prose du gouvernement suisse à savoir qu'une nouvelle dose de vaccin en ce moment ça ne fait pas sens. Évidemment rien n’est dit sur d’autres mesures de protection - notamment masque et aération - puisque la tendance néolibérale c’est on vire tout, on ne (se) protège plus. Et le journal d’oser sous titrer un tel article «Lutte contre le Covid».

Un article du journal Le Courrier rapporte que, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et ses experts scientifiques, le nombre de tests PCR positifs doit être multiplié par « au moins 4 » en raison d'un nombre important de personnes qui ne se savent pas infectées ou ne se testent pas. C'est donc environ 100’000 personnes qui se contaminent actuellement tous les jours en Suisse.

Tanja Stadler, présidente de la task force scientifique sur le Covid-19 - qui connaît ses derniers jours avant sa dissolution -, affirme que:

«même si l’augmentation des infections ralentit et même si la plupart des hôpitaux ne sont pas surchargés, omicron reste un virus dangereux. A Hong Kong, où le taux de vaccination est faible, la mortalité est 40 fois supérieure à celle de la Nouvelle-Zélande, où la population est fortement vaccinée.»

On apprend encore que le président de l’Association des médecins cantonaux de Suisse, Rudolf Hauri a tout de même lâché que «(d’un) point de vue épidémiologique, il serait toutefois souhaitable que le masque reste obligatoire dans les transports publics» et que l'OFSP a fait savoir cette semaine que le suivi de la pandémie pourrait s’avérer plus difficile lorsque l’isolement des personnes infectées sera supprimé.

D'après la NZZ am Sonntag, certains hôpitaux doivent à nouveau reporter des opérations en raison cette fois-ci du manque de personnel (dû en particulier aux contamination au Covid...).

Diminution historique de l'espérance de vie

L'Office cantonal de la statistique publie les chiffres de l'espérance de vie en 2020. Au cours de cette année, en raison de la surmortalité due au Covid, l'espérance de vie a diminué de 1,9 an dans le canton de Genève contre 0,7 an pour l'ensemble de la Suisse.

Alors qu'habituellement la mortalité des étrangerexs est moindre que celle des suisses (notamment en raison des retours au pays d'origine après une vie de travail), en 2020 à Genève, le nombre de décès a augmenté de 33% chez les ressortissantexs étrangerexs contre 23% chez les ressortissantexs suisses.

La diminution de l'espérance de vie enregistrée en 2020 est historique en ce sens qu'elle est la plus forte observée ces 40 dernières années.

Augmentation du PIB

Parallèlement à la publication des chiffres de l'espérance de vie pour 2020, l'Office cantonal de la statistique publie les chiffres de la croissance économique du canton mesurée par le Produit intérieur brut. On remarque que, à l'exception des premiers et second trimestres 2020, le PIB cantonal a suivi la tendance haussière qui caractérise son évolution depuis les années 2009-2010.

Le choix des autorités sanitaires et politiques de privilégier la poursuite des activités économiques au détriment de la santé publique a donc été un choix payant, si l'on ose dire. Non seulement, l'économie n'a pas connu de récession, mais elle a maintenu une croissance de même rythme qu'avant la pandémie. Comme dans le même temps la situation économique de nombreux et nombreuses salarié.exs s'est détériorée, cette croissance obtenue au prix de la santé publique aura surtout permis une augmentation des profits des actionnaires.

Covid long 1

Un article du mois de février qui nous avait échappé dans la NZZ am Sonntag :: traduction donne la parole à l'association faîtière des assureurs d'indemnités journalières, ceux qui paient en cas de maladie des salarié.exs. L'article met bien en évidence l'enjeu financier que représente le classement des séquelles du covid. Les assureurs déploieront tous les efforts pour prouver des affections, notamment psychiques, antérieures à l'infection et ne pas indemniser.

«Avant même que l’ampleur de la maladie ne soit connue, la lutte pour l’argent a déjà commencé. Les assurances d’indemnités journalières maladie, qui doivent payer pour des arrêts de travail d’une durée maximale de 730 jours ouvrables, mettent en doute le nombre élevé de personnes touchées, car elles supposent que la pandémie a renforcé des problèmes psychiques préexistants chez certaines personnes : "L’augmentation des cas concerne le Covid-19, mais aussi des souffrances psychiques », explique Andrea Hohendahl, porte-parole de l’Association suisse d’assurances."»

Covid long 2

Dans le même article, on découvre les premiers chiffres rendus publics par l'assurance invalidité. Pour 2021, 1800 dossiers seraient à l'étude pour l'obtention d'une rente AI. On se doute qu'il s'agit d'un chiffre extrêmement sous-estimé considérant l'immense difficulté administrative que représente la constitution d'un dossier de demande d'invalidité et la tendance générale à chercher à tout prix à remettre les gens au travail. L'appareil statistique étant défaillant comme on l'a souvent rappelé ici, il sera pratiquement impossible de mesurer l'impact de la politique actuelle de contamination massive mise en oeuvre par les autorités sanitaires et politiques.

Covid long 3

Effet collatéral de la politique libérale en matière de santé publique, on signale ici et là une floraison d'ouvrage dans le goût du développement personnel sur les meilleures manières d'affronter le Covid long. Dans Au périple [sic] de ma vie, Line Aris raconte sa «victoire» contre l'affection chronique. L'éditeur promet: «Si comme Line, vous souffrez aujourd'hui d'une forme longue de cette maladie, ce livre pourra peut-être vous apporter de précieux conseils.» Les éditions Marabout, spécialistes des guides pratiques en tous genres, proposent, elles, un «programme en huit semaine» sous le titre Covid long: comment s'en sortir? signé par plusieurs médecins. Il est question de «programme de remise en forme», car «des solutions existent pour s'en sortir» Selon Marabout: «alimentation, activité physique et relaxation sont les clés d'une bonne récupération.» Comme il en faut pour tous les goûts, les éditions Leduc proposent de «soulager le Covid long sans médicament», ce qui tombe bien puisqu'il n'y a pas de médicament... Les auteurs présentent «pour chaque symptôme» «une ordonnance micronutrition, les meilleurs massages/inhalations aux huiles essentielles, l'activité physique conseillée adaptée».

Bref, le commerce du livre voit se profiler un marché: celui des solutions individuelles, culpabilisantes qui contribuent à dépolitiser la question de la prise en charge de symptômes chroniques.

Ce qui inquiète un peu, c'est de retrouver un charabia du même genre sur des plateformes promues par des institutions hospitalières. Ainsi RAFAEL, la plateforme postcovid des HUG, suggère, en cas de fatigue post-covid de tenir «un journal d’énergie pour suivre l’évolution des symptômes en respectant les 4 P : Planifier, Prendre son temps, Prioriser et Positionner. Un aménagement du quotidien est recommandé en privilégiant les activités de la vie quotidienne et en respectant la réserve d’énergie quotidienne.» Traduit dans une langue moins fleurie, on peut résumer ces conseils à «Gardez la force qui vous reste pour aller bosser et effectuer le travail domestique. Limitez vos activités non productives économiquement.» Peut-être vaudrait-il mieux parfois admettre qu'on ne sait rien et privilégier l'accueil humain et l'écoute plutôt que de mettre en place des plateformes qui contribuent à accroître la solitude et l'isolement.

Une n-ième invitation à aérer et ventiler

Une étude italienne relayée ici qui a comparé la contagion du Covid dans 10'441 salles de classe montre que la ventilation peut réduire les cas de Covid dans les écoles de 82 %. Dans les classes disposant d'un système de ventilation mécanique, la réduction des cas étant plus importante. Avec les systèmes les plus efficaces, l'incidence pourrait être réduite de 250 cas pour 100'000 élèves -qui correspond au niveau d'alerte fixé par le ministère de l'Éducation- à un taux de 50 pour 100'000 estiment la fondation Hume qui a supervisé l'étude et le gouvernement régional où a eu lieu l'étude.

Oui les ré-infections c'est possible

Sur Twitter ces jours des personnes partagent leurs expériences personnelles de réinfection en précisant le nombre de fois où elles ont eu le Covid et le temps qui s'est écoulé entre chacun des événements d'infection: 3x en quatre mois ; des réinfections à 6 semaines d’intervalles, 5 réinfections en deux ans. Selon l'étude anglaise ZOE COVID, les taux de réinfection des cas confirmés sont estimés actuellement à environ 7 % sur la base d'une moyenne des deux dernières semaines et d’après l'agence de santé publique britannique (UKHSA) 9,5 % de toutes les infections étaient des réinfections.

Bullshit talk

Après le discours « mild omicron », voici venu une nouvelle tendance dans les discours des politiciens néolibéraux, celui du «que les personnes vulnérables se protègent donc elleux-mêmes». Et puisque les contradictions ne les effrayent pas s'ajoute à cela un discours mensonger à savoir que de toute façon le port du masque ne sert plus avec omicron.

Alors que les contaminations sont à la hausse en Europe, en France par exemple Olivier Véran estime toutefois qu'il «n'y a pas de signal inquiétant» dans les services de réanimation, il affirme que «le risque le plus important est pour les plus fragiles et les non-vaccinés. C'est pour cela que nous les invitons à porter leur masque et faire leur vaccination de rappel». On note qu'il les inviter à porter «leur» masque. S'en est fini de la solidarité où on portait toutexs des masques pour protéger autrui. Et pour accompagner ce mouvement, le variant BA.2 est décrit comme «très contagieux» et qui «déjoue partiellement les mesures classiques de freinage». Comprenez es mesures de protection ne servent plus.

Cette semaine, le Royaume-Uni rapporte 226'524 nouveaux cas de coronavirus pour une période de 3 jours, soit une augmentation de 32 % par rapport à la semaine dernière, avec une augmentation de 22% du nombre d'hospitalisations. Pourtant l'Angleterre s'apprête à mettre fin au dépistage gratuit à grande échelle dès la fin du mois, ce qui, selon les experts, rendra la pandémie plus difficile à suivre et pourrait accélérer la propagation du virus. L'Écosse quant à elle connaît son taux de personnes hospitalisées le plus élevé depuis le début de la pandémie, soit 2'326 personnes et une augmentation importe de cas avec 1 Écossaisex sur 11 infectéexs les sept derniers jours. Pour l'Angleterre et le Pays de Galles, c'est 1 personne sur 16 qui a été infectée.

En Espagne, à partir de lundi, les personnes ayant le Covid sans symptômes n'auront plus à s'isoler. Un délire qui risque bien d'en inspirer d'autres. Et pendant ce temps on continue de découvrir différents effets du Covid.

The Lancet nous apprend qu'il existe un risque accru de développer un diabète après avoir été infecté par le Covid: «nous suggérons que dans la phase post-aiguë de la maladie, les personnes atteintes de COVID-19 présentent un risque et un fardeau accrus de diabète (...) Dans l'ensemble, les données actuelles suggèrent que le diabète est une facette du long syndrome COVID-19 et que les stratégies de soins post-aigus des personnes atteintes de COVID-19 devraient inclure l'identification et la gestion du diabète» (notre traduction).

En cas de doute en écoutant un prédicateur néolibéral du vivre avec, on vous recommande de jeter un coup d’œil à cette liste de 50 faux discours sur le Covid.

Immunité collective

Le Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Dr. Tedros Ghebreyesus revient sur ce concept de santé publique que les gouvernements néolibéraux détournent pour justifier leurs politiques qui tuent et handicapent des millions de personnes : «L'immunité collective est obtenue en protégeant les gens d'un virus - pas en les exposant à celui-ci. Jamais dans l'histoire de la santé publique, l'immunité collective n'a été utilisée comme stratégie de réponse à une épidémie. Encore moins à une pandémie..» Il affirme que les tentatives d'atteindre une 'immunité collective' en exposant les gens à un virus sont tant scientifiquement problématiques que non éthiques. Laisser le Covid-19 se propager dans les populations, quel que soit leur âge ou leur état de santé, entraînera des infections, des souffrances et des décès inutiles.