Octobre 2023

Suivi pandémique intermittent du Silure

Nous avions interrompu ce suivi en juin 2022, surtout par manque de forces pour tenir le rythme hebdomadaire. Il nous semble judicieux de reprendre la publication de ces notes à une fréquence moins régulière qu’auparavant cependant. Voici pourquoi :

Nous pensons avoir gagné quelque chose sur le plan politique en réfutant, dans ce suivi hebdomadaire et dans les textes puliés, le cadrage individualisant qui s'est rapidement imposé autour de la pandémie. Les capitalistes accroissent leur emprise sur ce marché qui leur a été ouvert dans les années 1980 : après avoir rationalisé et mis sous la direction managériale le travail dans le secteur de la santé, il s’agit désormais de prendre le pouvoir sur l’allocation des soins, un pouvoir encore détenu par l’État et le corps médical. Les passes d’armes parlementaires sur une caisse unique publique d’assurance maladie, sur la tarification médicale ou sur le financement du système de santé visent à définir le partage des profits ainsi que le rythme et l’ampleur de cette prise de pouvoir capitaliste sur les soins, mais son principe est largement admis y compris dans les rangs socialistes.

Pour nous faire admettre cette idée, il faut déployer une rhétorique individualisante qui rend chacun.ex responsable de ses choix économiques en matière de santé. Or, c’est la même rhétorique qui a été déployée pendant les deux premières années de la pandémie, c’est la même rhétorique qui a conduit à la banalisation des 14'000 mort.exs du Covid en Suisse en trois ans et demi (300 morts dans des accidents de la circulation sur la même période), c’est la même rhétorique qui a conduit au refus de prendre des mesures collectives (port du masque, filtration de l’air dans les lieux collectifs, etc.) simples et peu coûteuses. Parler du Covid comme nous le faisons à nouveau aujourd’hui, c’est tenter de résister à cette écrasante rhétorique individualisante et c’est, pensons-nous, contribuer à reconstruire un discours de gauche sur la santé.

Au sommaire de cette note d'automne:

Prise de pouvoir du capital sur les corps: l'assureur Helsana nous recommande de pleurer ou de nous faire des câlins pour améliorer notre santé.

Prise de pouvoir insidieuse du capital sur les corps: l'assureur Helsana nous recommande de pleurer ou de nous faire des câlins pour améliorer notre santé.

On peut toujours se protéger collectivement, voici comment

Le Covid est toujours aéroporté, ce qui signifie que le port de masques FFP2 et l’aération des pièces permettent toujours de limiter les contaminations. La mesure du CO2 dans les locaux confinés est une technique simple qui permet d’avoir un repère objectif pour aérer.

Alors que des difficultés d’approvisionnement en filtres HEPA rendaient rares les purificateurs d’air de bonne qualité en Europe, ceux-ci semblent de plus en plus accessibles, y compris pour des volumes réduits. Les charlatans étant nombreux, il vaut la peine de vérifier en détail les spécifications et de les comparer avec celles retenues par exemple par le collectif Nous aérons.

Il est toujours possible de recevoir des rappels de vaccin, mais le rappel coûte 64.- sauf pour les personnes âgées de 65 ans et plus, les personnes de plus de 16 ans ayant un risque particulier et les personnes enceintes ayant un risque particulier. Il existe un rappel de vaccin adapté au variant dominant du premier semestre 2023 (XBB1.5) qui est proposé en Suisse depuis mi-octobre.

Enfin, on peut échanger dans les groupes sur les mesures à prendre : s’abstenir de venir aux réunions quand on a des symptômes, mettre en place des visios, se tenir au courant des contaminations, etc. Cela peut être aussi l’occasion de reparler de politique de la santé.

On peut toujours consulter la page de l'Intempestive qui rassemble beaucoup d'éléments sur les techniques de réduction des risques.

Quelle est la situation actuelle en Suisse ?

La plupart des mesures statistiques effectuées pendant les deux premières années sont désormais annulées ou rendues inutilisables. Les tests PCR étant payants et les rendez-vous difficiles à obtenir, on ne dispose plus d’une bonne approximation de la dynamique des contaminations. Dans le canton de Zurich, en octobre, les tests ont été rendus gratuits dans le cadre d’une étude pilote et le taux de positivité (le nombre de tests positifs sur le nombre de tests effectués) était de 30 %, soit le taux mesuré au début de la vague de l’automne 2022.

Il reste néanmoins deux mesures qui donnent une idée de la situation : les prélèvements effectués dans les eaux usées qui peuvent donner de bonnes indications locales mais qui sont malheureusement publiés avec quinze jours de retard sur le prélèvement ; une tentative de suivi des cas d’hospitalisations menée sur le modèle du suivi de la grippe, ici aussi les chiffres sont communiqués avec quinze jours à trois semaines de retard sur les mesures. Pour la période actuelle, les deux mesures montrent une augmentation de la circulation du virus à partir de la semaine du 18 septembre, la tendance se maintenant à une augmentation marquée jusqu’aux dernières mesures disponibles (semaine du 9 octobre).

Changement important : des chiffres sont enfin rendus publics sur les contaminations à l’intérieur de l’hôpital. Selon les chiffres du réseau de surveillance, entre 20 et 40 % des hospitalisations liées au COVID sont dues à une contamination dite nosocomiale, c’est-à-dire intervenue à l’intérieur de l’hôpital. Il s’agit de personnes hospitalisées pour une autre raison et qui sont contaminées pendant leur séjour à l’hôpital. 20 à 40 %, c’est deux fois plus que pour la grippe pour laquelle les contaminations nosocomiales sont comprises entre 10 et 20 %. Cette différence est importante dans la perspective de l’autodéfense sanitaire. Une des hypothèses explicative pourrait être que la circulation asymptomatique du covid est beaucoup plus importante que celle de la grippe et/ou que la capacité d’infection du covid en phase asymptomatique est plus forte que celle de la grippe. Dans les deux cas, cela validerait des stratégies généralisées de réduction des risques comme le masque et l’aération.

Un phénomène intrigue les responsables des statistiques du travail, ce sont le volume des absences pour maladie ou accident en 2022. Publiés en août 2023, ces chiffres montrent une augmentation des absences de 34 % par rapport à la période 2010-2019. Diverses explications sont formulées selon lesquelles « le rapport des employés à la maladie se serait modifié ». L’idée que les gens soient simplement plus souvent malades en raison de la poursuite de la circulation du virus ne semble pas avoir effleuré les commentateur.ixes.

Covid long

En Suisse, il n’existe pas de registre du Covid long de sorte qu’on ignore combien de personnes sont touchées. En se basant sur des statistiques britanniques, l’association Long Covid Suisse estime que 300'000 personnes pourraient être touchées par des symptômes qui se prolongent quatre semaines et plus après l’infection. En février 2022, la Task force scientifique estimait pour sa part que 20 % des personnes infectées présenteraient des problèmes de santé durables. Il est très difficile de mesurer le risque et, face à cette difficulté, la politique de libre circulation du virus ressemble un peu à un jeu de roulette russe. Les témoignages de personnes atteintes durablement sont glaçants.

Du côté de l’assurance invalidité, comme nous en faisions l’hypothèse l’an dernier, toutes les mesures ont été prises pour empêcher l’indemnisation des malades. Sur les quelques 1700 demandes traitées chaque année en 2021 et 2022, 60 % n’ont fait l’objet d’aucune mesure, et seules 3 % (51 demandes) ont donné lieu à une rente d’invalidité. Le reste des demandes ont été réglées par des « mesures d’ordre professionnel », c’est-à-dire des mesures allant d’un changement d’affectation dans l’entreprise à une réorientation professionnelle complète.

Les employeurs ont cependant du mal a respecter ces « mesures d’ordre professionnel » comme le montre le cas d’une infirmière victime du Covid-long à la suite d’une contamination sur son lieu de travail pendant la première vague (2020). Malgré l’existence d’une mesure AI consistant à prendre un poste mieux adapté à son affection, les HUG ont décidé de licencier cette infirmière au motif qu’elle ne peut reprendre son poste précédent. On se doute que si ce genre de scénario intervient dans un hôpital encore plus ou moins contrôlé par les pouvoirs publics, les cas dans le privé doivent être nombreux et brutaux.

Combien de cas sont alors pris en charge dans le cadre familial au prix du travail invisible d’une conjointe ou d’un conjoint, de parents, de proches ? En l’absence de chiffres on trouve ici et là des témoignages comme celui de Manuel Weingartner, un trentenaire, père de trois enfants, dont l’épouse doit passer l’essentiel de ses journées allitée après une contamination en janvier 2022.

Parutions et sites fréquentables

Nous reviendrons dans une prochaine note sur plusieurs parutions concernant la pandémie en France. La première, très prometteuse, vient de sortir aux éditions La Dispute et s’intitule Face au covid, l’enjeu du salariat. On peut en lire la table des matières ici. La seconde, intitulée L’attestation, parue chez Anamosa semble réinvestir une lecture de la pandémie sous l’angle de la surveillance de masse en proposant d’investiguer les raisons qui ont fait que les mesures de confinement de 2020 ont été largement adoptées. Les textes de présentation et la table des matières semblent malheureusement indiquer que les auteurs cherchent avant tout à vernir d’une caution sociologique les thèses eugénistes du philosophe Giorgio Agamben.

En attendant ces comptes-rendus de lectures, on peut toujours visiter le site des camarades de Cabrioles qui ont proposé ces derniers jours quelques liens sur le Covid en Palestine (et notamment l’annonce d’une publication sur la question de Nadia Naser-Najjab), en même temps qu’ielles republient le récent texte de l’historien Raz Segal intitulé « Un cas d’école de génocide ».

Enfin, on espère vous annoncer bientôt une publication de notre cru.