Semaine du 24 au 30 janvier 2022

Semaine chargée en informations contradictoires, alors que le pic de la vague Omicron n'est pas atteint, les autorités politiques évoquent la fin des mesures et cherchent à renforcer le cadrage mild (variant sans danger, symptômes bénins, pas de surcharge hospitalière). Nous sommes sans doute au tournant d'un plus net désengagement de l'État de la pandémie. On voit apparaître des associations de patient.es à qui reviendra de négocier prise en charge et indemnisation des conséquences durables de la contamination massive. Mais des cadres médicaux (Isabella Eckerlé) critiquent publiquement cette position et critiquent (Alexandra Trkola et Huldrych Günthard) la gestion des vagues précédentes.

Inégalités vaccinales

En Suisse, «69,5% de la population Suisse, tous âges confondus, était complètement vaccinée le 23 janvier, et 33,9% avait reçu un booster. Les 65 ans et plus étaient 90,6% à être complètement vaccinés le 16 janvier» OFSP, tandis qu’«en Afrique, 85% de la population n’a pas encore reçu une seule dose de vaccin (...). La moitié des 194 États membres de l’OMS a déjà raté l’objectif de 40% de couverture vaccinale pour fin 2021, selon l’OMS.» TdG. Le consortium Covax, chargé de distribuer les doses vaccins dans les pays exclus de la vaccination du fait des brevets, annonce qu'il n'a plus d'argent pour acquérir le matériel nécessaire aux injections FT via heidi.news.

Alors que les cas de Covid ne cessent d’augmenter, ça discute allégement et levée des mesures...

A Genève, les écoles connaissent une explosion de cas de Covid chez les enfants et les enseignant-e-s. Rien d’étonnant au vu de la politique du laisser circuler. La mesure actuelle à l’école primaire consiste en un autotest à la maison des enfants quand il y a plus de deux cas dans une classe. Francesca Marchesini, de l’association professionnelle et du syndicat SPG, remet en question l’efficacité de la mesure, sachant qu’avec Omicron les autotests sont moins fiables. On apprend également qu’alors que la SPG demande «(d)epuis des mois (...) des purificateurs d’airs et des masques FFP2, mais sans succès» TdG, c’est finalement la suppression des mesures dans les écoles du canton dès la rentrée des vacances février qui se décide. Pendant ce temps en Angleterre, les masques sont réintroduits dans les écoles, après leur suppression il y a une semaine, suite à la flambée de cas de Covid

La Tribune de Genève nous apprend mardi que «Le pic semblait proche la semaine dernière, et pourtant les contaminations continuent leur folle course en avant. Elles dépassent allègrement les 35’000 par jour officiellement. Patrick Mathys, le responsable de la gestion de crise à l’OFSP, estime même que le nombre réel se monte à 100’000 contaminations par jour. Un Suisse sur dix s’infecte avec Omicron ces temps-ci.» Pendant ce temps, la question d’alléger ou de lever les mesures est discutée. L’USAM et GastroSuisse le réclament pour courant février. Patrick Mathys et Isabella Eckerle, virologue et responsable du centre de recherche sur les maladies virales émergentes aux HUG et à l’Université de Genève invitent à la patience. Cette dernière recommande d’attendre le début du printemps pour «lever les mesures sans causer de dommages inutiles», à «tout assouplir maintenant, on risque qu’encore plus de personnes soient malades en même temps alors que la pression sur l’hôpital est déjà grande, que des opérations sont reportées, que des soignants sont à bout.»

La politique suisse se cache de moins en moins. Même la Tribune y voit un paradoxe : «Le directeur de la santé à Genève a fait le point vendredi matin sur la situation très paradoxale que nous vivons en ce moment: d’un côté «le nombre de contaminations n’a jamais été aussi élevé, avec un nouveau record de 4000 cas annoncés en un jour», avec tout le réseau de soins qui tourne à plein régime; de l’autre la préparation à une «désescalade» de tout le dispositif» Adrien Bron ajoute que les hôpitaux «ne seront vraisemblablement pas débordés. On n’en était pas sûrs il y a encore deux semaines.» L’activité hospitalière demeure intense, «en mode dégradé», mais pas de nature à devenir hors de contrôle. (...) Quant au pic de cette cinquième vague, Adrien Bron reconnaît ne pas savoir quand il adviendra ni si les services seront en mesure de l’identifier à l’instant T. «On saura qu’on l’aura dépassé quand il y aura une décrue très claire de la positivité des tests.» Actuellement, ce taux ne cesse d’augmenter, avec 50% des PCR positifs, et environ 30% pour les tests antigéniques rapides. Dans le point sanitaire de vendredi, un-e journaliste questionne Adrien Bron «Comment pouvez vous être si confiants?» et lui de répondre : «L'hôpital tourne à plus que plein régime mais n'est pas sous tension. L'hôpital souffre et l'accès aux soins est mis à mal, suite aux patients Covid, mais le risque de débordement s'éloigne.»

Quant à Mauro Poggia, il reprend vendredi le leitmotiv de la responsabilité individuelle: «Aujourd’hui plus que jamais, seuls les comportements individuels font la différence, car les mesures collectives semblent avoir atteint leurs limites au vu des spécificités de ce variant.»

L’épidémiologiste Flahault juge la levée des mesure en Suisse «un peu anachronique», «car le pays est en pleine croissance épidémique. Le Conseil fédéral fait peut-être le pari qu’on atteindra le pic très bientôt. Mais on a attendu deux ans, on peut bien attendre quelques jours encore. Ce serait plus compréhensible et plus audible pour toutes les personnes qui ont fait des efforts pendant si longtemps.» Et il martel (https://www.tdg.ch/il-serait-plus-comprehensible-que-la-suisse-attende-la-decrue-de-lepidemie-561111339033) encore une fois, ce qu’il répète depuis des mois des mesure pour améliorer la qualité de l’air: «99% des contaminations ont lieu à l’intérieur, où nous passons le plus clair de notre temps. Il existe des techniques soit pour aérer soit pour purifier l’air intérieur, qui devrait devenir aussi bon que l’air extérieur. Ce sont des investissements lourds, mais je pense que c’est la leçon à tirer de cette pandémie.»

Statistiques (suites): sous-estimation des hospitalisation et des décès

La semaine dernière nous relevions les différences entre les décompte d'hospitalisations 2020 entre l'Office de la statistique et l'Office de la santé. Le feuilleton continue.

Quand on sait qu’il s’agit de l’un des critères explicites du gouvernement suisse pour prendre ou non des mesures, c’est important de souligner que des chiffres et des statistiques brandies pour le faire sont fausses ! Le 20min nous apprend que : «En 2020, on a dénombré 20’000 hospitalisations à cause du coronavirus. Or les statistiques tendent à montrer qu’il y en a eu au moins 31’000. (...) Les statistiques hospitalières de l'Office fédéral de la statistique (OFS) font état d’environ 31’000 personnes prises en charge dans les établissements de soins en Suisse, en 2020. Jusqu’à présent, on s’était basé sur les chiffres de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour estimer à environ 20’000 le nombre d’entrées à l’hôpital. À la demande de la «NZZ», l’OFS a ventilé ses statistiques par canton. Les données montrent que, alors qu’à Neuchâtel, au Tessin ou à Glaris, presque autant de cas ont été déclarés à l’OFSP que ceux qui apparaissent dans les statistiques de l’OFS, à Genève et à Zoug, ce ne sont qu’environ 30% des cas, et dans le Jura, un peu plus de 40%. Ces deux cantons rejoignent ainsi le Tessin en tête des cantons les plus touchés alors qu’ils n’apparaissaient auparavant qu’en milieu de classement.» 20 Minutes

La NZZ indiquait mardi qu'une pareille différence de décompte existait aussi pour la statistique des décès. L'Office fédéral de la statistique en compte 400 de plus que l'Office de la santé pour la première vague (2020). Cette différence apparaît pour l'heure difficile à expliquer.

«Vivre avec le virus» n’a pas la même signification pour tout le monde

Alors que Didier Pittet, infectiologue et épidémiologiste des HUG livre sa version d’apprendre à «vivre avec le virus» dans la presse française, il admet que le virus «engendre des maladies chroniques sous-évaluées», ce qui ne l’amène pas à considérer comme une erreur le nombre colossal de contaminations. Notons au passage qu’il continue à recommander de «pratiquer les gestes barrières, (à) se vaccine(r), (à) s’isole(r)», mais rien sur l’aération. Son homologue épidémiologiste Antoine Flahault lui ne cesse de répéter l’importance d’agir sur la qualité de l’air via l’aération et la filtration.

Tout en partageant le constat que «nous vivrons avec le Covid dans un avenir prévisible», Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS considère qu’«apprendre à vivre avec le Covid ne doit pas signifier que nous devons lui laisser la voie libre. Cela ne doit pas signifier que nous devions accepter que près de 50’000 personnes décèdent chaque semaine d’une maladie que l’on peut prévenir et traiter» TdG).

Les capitalistes attaquent la Task force scientifique

La Tribune rapporte que l’Union suisse des arts et métiers (USAM) demande, sans détour, la dissolution de la Task Force scientifique. Selon le directeur de l'association patronale, elle n’a «pas de légitimité démocratique» et – meilleure citation de la semaine ! - elle «pousse le Conseil fédéral à agir en exerçant une pression et répand une mauvaise ambiance dans la population» ! Rappelons que la Task force a fait des recommandations qui n’étaient pas raccord avec les intérêts des capitalistes. La Tribune de Genève quant à elle ne s’est pas gênée pour colporter la narration de la task force «à tord trop alarmiste».

Comme nous le relevions la semaine dernière, la Task force scientifique est au coeur de vives tensions, la position de sa présidente, Tanja Stalder, a été minorisée par une partie des membres et attaquée publiquement par Virginie Masserey, responsable du suivi de la pandémie pour l'Office fédéral de la santé et élève de Didier Pittet, le virologue genevois qui conseille le gouvernement Macron et s'est distingué par la négation de la transmission aérosole du virus. L'attaque de l'USAM pourrait bien conduire à la démission de Tanja Stalder, ce qui coïnciderait avec la phase nouvelle qui s'ouvre en ce moment.

Cadrage «optimiste»: intéressés pas optimistes !

Le terme «optimiste» est dorénavant dans les bouches des gouvernements, des patrons comme de certains média. On assiste à un coup de force pour faire passer leurs intérêts pour de l'optimisme. La Tribune de Genève sortait, cette semaine, une manchette et un article qualifiant d'optimistes les patrons qui demandent des levées des mesures, sans questionner leurs intérêts.

Selon le journal « Derrière les vives critiques adressées à la task force (le directeur de l’USAM, Hans-Ulrich Bigler, veut la «renvoyer à la maison»), ils prônent aussi une vision optimiste face à la crise sanitaire. » Ce journal construit deux clans celui des alarmistes, avec comme représentante phare la Task force, et celui des optimistes. En France, le chef de service de réanimation à l’hôpital Nord de Marseille, relayé dans Le Monde en énonçant que plus de 250 personnes à cause du Covid chaque jour, déclare : «La société n’a pas envie de les voir. Ils perturbent le scénario optimiste selon lequel Omicron serait associé à une immunité collective et à la fin de la pandémie». Il rappelle également un des angles morts actuels: Omicron tue!

Les effets de la concurrence entre hôpitaux

David Gygax, secrétaire du Syndicat des services publics du canton de Vaud, poursuit dans le quotidien Le Courrier son analyse du paysage hospitalier en soulignant la place et la stratégie des cliniques privées: affaiblir l’hôpital et s’accaparer les patient-e-s qui rapportent le plus d’argent. Il s’appuie sur les données de l’organisation faitière des hôpitaux suisses, H+ : «En 2019, la Suisse comptait 281 hôpitaux et cliniques, soit 83 de moins qu’en 2001. Cela correspond à un recul de 23% en dix-huit ans. (…). Les établissements publics ont été davantage touchés par ce processus que les cliniques privées.» «Il y a 63% moins de lits d’hôpital pour 100 000 habitants qu’en 1982.» Puis il décrit l’impact de la politique néolibérale de mise en concurrence des institutions hospitalière : «En organisant la concurrence entre les hôpitaux, les autorités fédérales n’ont pas oublié de favoriser les acteurs privés: ceux-ci peuvent choisir pour quel type d’interventions ils souhaitent figurer sur la fameuse liste. En choisissant donc délibérément les interventions pour lesquelles il est possible d’industrialiser le processus (disponibilité de personnel, rentabilisation de l’infrastructure, etc.). L’hôpital public, quant à lui, n’a pas ce choix: par son mandat, il doit accueillir toutes les patientes et tous les patients, rentables ou non. Dès lors, la «concurrence» voulue par le système de financement ne s’effectue que pour certaines prestations, celles sur lesquelles les cliniques ont un avantage. Par ailleurs, en cas de complications sur l’une des interventions des cliniques, c’est bien vers l’hôpital public que l’on achemine le ou la patient·e en raison d’un plateau médical plus large et de compétences étendues. Il ne s’agit donc de rien d’autre que du bon vieux principe «socialisation des coûts, privatisation des bénéfices». En parallèle, les «marchands de santé (les cliniques et leurs actionnaires)», des «hôpitaux à but commercial», selon la terminologie officielle, sont remboursés par l’assurance-maladie obligatoire (45%) et par les cantons (55%) pour certaines de leurs prestations» et cherchent à «réduire les moyens alloués à l’hôpital public» et ainsi «affaiblir l’hôpital universitaire pour réduire son attractivité et récupérer une partie de sa patientèle». Constatant «les effets dévastateurs du financement hospitalier actuel», le syndicaliste vaudois appelle «un changement radical de système, qui permette le développement d’une véritable santé publique de pointe et de proximité, accessible à toutes et tous et assurant aux salarié·es qui y travaillent le respect du sens de leurs métiers.»

Dans le même sens, un long reportage de Basil Weingartner dans la WOZ du 13 janvier 2022 montre qu'en Suisse alémanique, des hôpitaux de soins primaires sont rachetés à des collectivités publiques par des groupes médicaux privés qui captent ainsi les profits de l'assurance obligatoire de soins. L'article développe de petits portraits des principaux groupes privés du secteur: Hirslanden, Ameos et Swiss medical network.

Font écho à cela, les propos d’Alexandra Trkola et Huldrych Günthard, respectivement directrice de l'Institut de virologie médicale de l'Université de Zurich et directeur du Dépt. des maladies infectieuses de l'Hôpital cantonal de Zurich qui dans la NZZ affirment: «Si les banques avaient fait ce que le secteur de la santé a fait depuis deux ans, les bonus se chiffreraient en milliards. En revanche, nous, les hôpitaux, devrons encore expliquer comment nous réduisons nos déficits. Le système de santé ne vaut tout simplement pas assez pour la Suisse. Dans les soins, c'est encore plus flagrant. Pendant la crise, la Confédération a débloqué des milliards pour les restaurants ou les remontées mécaniques. Mais pas un seul pour la santé» (traduction libre).

La «pointe de l’iceberg» du Covid Long

Sur la Matinale, on entend la voix de Chantal Britt, présidente de l’organisation des patient-e-s atteint-e-s de long Covid «Long Covid Suisse» qui critique le traitement de ce problème par le gouvernement et l’OFSP, demande la création d’un registre des cas de Covid long et pose la question de l’AI pour les personnes sévèrement touchées. Elle partage son appréciation de ce phénomène si peu pris en compte par les autorités :«On pense que 20% des adultes qui ont été infectés ont des symptômes à long terme. Chez les enfants, c'est plutôt 3%, ce qui est beaucoup» et considère qu’il s’agit là que de la «pointe de l’iceberg». Il sera intéressant de voir si, une fois encore, c’est les patient-e-s concerné-e-s qui ouvriront la voix à une lutte pour la reconnaissance des conséquences médicales et sociales d’une condition médicale et pour son accompagnement. Chantal Britt est également interrogée dans un reportage de Heidi News sur les troubles chroniques dus au COVID.

La WOZ consacre cette semaine un reportage photographique assorti de témoignages et un article de fonds (entretien avec le chercheur bâlois Dominique de Quervain) au Covid long. Le reportage montre, autour de six parcours, que l'affection concerne des personnes de tous âges et sans difficultés de santé antérieures.

L'émergence du covid long dans la presse reproduit le schéma très connu d'un certain nombre d'affections chroniques. Les articles opposent des médecins qui adoptent des positions très prudentes à des patient.es touché.es par une affection que le corps médical ne veut pas reconnaître ou du bout des lèvres. Les grands absents de ces confrontations médiatiques sont les syndicats. Pour le moment, y compris dans la WOZ qu'on pourrait supposer plus sensible aux questions de revendications collectives, le lien du covid long avec le travail n'apparaît pas. Le reportage photographique est même assez gênant sur ce plan dans la mesure où, en raison d'un biais de sélection, on n'y lit que des témoignages des personnes issues des fractions supérieures de la classe moyenne (fort capital social et culturel, diplômes scolaires). Il y aurait là pourtant un bel enjeu pour les organisations de travailleuses et de travailleurs: faire reconnaître qu'en dehors des causes immédiates des contaminations individuelles, c'est le maintien d'une activité économique dont les modalités n'ont pas sérieusement été modifiées qui a engendré des contaminations massives et le développement de symptômes chroniques. Cette reconnaissance a rarement été obtenue, même dans des cas où les liens travail-maladie étaient évidents (amiante, saturnisme, exposition aux pesticides). C'est une des ruses du libéralisme de faire porter la charge de la reconnaissance de maladie à des associations de patient.es, exonérant l'Etat de sa responsabilité dans la santé publique et marginalisant les syndicats dans leur rôle de défense des travailleuses et travailleurs y compris dans les conséquences de leur activité salariée.

Glossaire: endémique, endémie

Le biologiste Aris Katzourakis livre dans le journal Nature des explications et recadrages de ce mot actuellement surutilisé: «Le mot "endémique" est devenu l'un des plus galvaudés de la pandémie. Et nombre des hypothèses erronées émises encouragent une complaisance mal placée. Cela ne signifie pas que le COVID-19 va prendre fin naturellement. Pour un épidémiologiste, une infection endémique est une infection dont les taux globaux sont statiques - ni en hausse, ni en baisse. (...) une maladie peut être endémique et à la fois répandue et mortelle. Le paludisme a tué plus de 600 000 personnes en 2020. La même année, 10 millions de personnes sont tombées malades de la tuberculose et 1,5 million en sont mortes. Endémique ne signifie certainement pas que l'évolution a en quelque sorte apprivoisé un agent pathogène de sorte que la vie revient simplement à la "normale". (...) En tant que virologue évolutionniste, je suis frustré lorsque les décideurs politiques invoquent le mot endémique comme une excuse pour ne rien faire ou presque. La politique de santé mondiale ne se résume pas à apprendre à vivre avec un rotavirus, une hépatite C ou une rougeole endémiques. (...) Il existe une idée fausse, répandue et optimiste, selon laquelle les virus évoluent avec le temps pour devenir plus bénins. Ce n'est pas le cas : il n'y a pas de résultat évolutif prédestiné pour qu'un virus devienne plus bénin, en particulier pour ceux, comme le SRAS-CoV-2, dans lesquels la plupart des transmissions ont lieu avant que le virus ne provoque une maladie grave. Il faut savoir qu'Alpha et Delta sont plus virulents que la souche découverte pour la première fois à Wuhan, en Chine. La deuxième vague de la pandémie de grippe de 1918 a été beaucoup plus meurtrière que la première.» Il partage ensuite ce que nous devrions faire : « mettre de côté l'optimisme paresseux. Ensuite, nous devons être réalistes quant aux niveaux probables de décès, d'invalidité et de maladie. Les objectifs de réduction fixés doivent tenir compte du fait que les virus en circulation risquent de donner naissance à de nouveaux variants. Troisièmement, nous devons utiliser - à l'échelle mondiale - les armes redoutables dont nous disposons : des vaccins efficaces, des médicaments antiviraux, des tests de diagnostic et une meilleure compréhension de la manière d'arrêter un virus en suspension dans l'air grâce au port d'un masque, à l'éloignement, à la ventilation et à la filtration de l'air. Quatrièmement, nous devons investir dans des vaccins qui protègent contre un éventail plus large de variantes. La meilleure façon d'empêcher l'apparition de nouveaux variants plus dangereux ou plus transmissibles est de mettre un terme à la propagation incontrôlée, ce qui nécessite de nombreuses interventions intégrées de santé publique, y compris, et surtout, l'équité en matière de vaccins. Plus un virus se réplique, plus il y a de chances que des variantes problématiques apparaissent, très probablement là où la propagation est la plus forte. Le variant Alpha a été identifié pour la première fois au Royaume-Uni, le variant Delta en Inde et le variant Omicron en Afrique du Sud - autant d'endroits où la propagation était endémique. Penser que l'endémicité est à la fois bénigne et inévitable est plus qu'erroné, c'est dangereux : cela prépare l'humanité à de nombreuses années supplémentaires de maladie, y compris des vagues imprévisibles d'épidémies.» (traduction libre)